C’est lors d’un voyage à l’été 2010 au Ladakh, au nord de l’Inde et de l’Himalaya, que s’est imposé à moi le besoin de parler à mon retour des montagnes sacrées.
J’étais avec mon ami Yves qui se relevait d’une maladie, et son épouse Anne-Marie. J’ai été amené pour la première fois à réfléchir sur la spiritualité. Lors de ce voyage, j’ai visité un certain nombre de monastères Bouddhistes dans la région de Leh (capitale du Ladakh), réalisé un trek avec un guide local, un chef muletier et un cuisinier pendant 6 jours reliant l’Indus au Zanskar de Leh à Lamayuru pour atteindre Chiling et revenir à Leh. Puis après avoir traversé ces territoires grandioses, la montagne en passant le col de Khardungla (le plus haut col carrossable au monde 5606 m) nous nous trouvons dans la Nubra Vallée. J’ai participé à un moment spirituel intense, chargé d’émotion, quand le Dalaï Lama en personne inaugura le plus grand Bouddha au monde construit récemment aux confins de l’Inde, de la Chine et du Pakistan à côté du monastère Diskitt. Puis nous sommes passés à Dharamsala siège du gouvernement Tibétain en exil où se trouve de nombreux monastères et la résidence du Dalaï Lama. Visites de monastères, mais aussi de l’église protestante Saint John classé aux monuments historiques de l’Inde symbole de la présence anglaise, avant de revenir à Delhi.
Déjà à ce moment à plusieurs reprises, mon âme, mon esprit avait vibré pour m’inviter à la réflexion et me tourner vers la méditation, dans cette région où j’ai vécu par le passé des émotions intenses :
- En 1994 alors que je remontais le glacier du Baltoro, vers les Camps de Base et N°1 du K2, Hiden Peak, l’ascension du Gondogoro peak … l’un des plus grands glacier du monde, au Nord-est du Pakistan voisin du Cachemire dont le Ladhak fait partie, frontière controversée de la Chine, de l’Inde et du Pakistan, spectacle naturel grandiose et inoubliable
- En 1997 plus à l’Est dans l’Himalaya lors de l’ascension du Cho-Oyu 8201m partant de Katmandou Népal vers Tingri au Tibet, point de départ des ascensions de l’Everest et du CHO OYU, où proche du sommet à 8100m environ sans apport d’oxygène complémentaire mon esprit est sorti de mon enveloppe…j’ai dialogué avec mon père…pour revenir par avion au dessus du Caire en Egypte là où mon père avait disparu…
Les défis ?
Relever le défi a toujours été quelque chose pour moi de naturel qui me permettait d’avancer qu’il soit intellectuel ou physique, pour des raisons personnelles ou professionnelles : il procure le bonheur de se dépasser et d’aller au-delà de ses propres limites et il donne une expérience sur laquelle s’appuyer, une confiance en soi dont nous avons tous besoin.
Moi qui crapahutais depuis toujours, à soixante ans, mes genoux m’ont rappelé que je n’avais plus toute la laxité de mes vingt printemps ! Alors que j’effectuais la Grande Traversée des Alpes en avril 2010 en ski de randonnée, une chute a eu raison de mes ligaments croisés des deux genoux.
Il me fallait absolument surmonter cette épreuve pour continuer à marcher, continuer à découvrir les montagnes et le monde, et garder ma motivation.
Je me suis alors lancé peut-être inconsciemment dans un programme sportif qui passait par des kilomètres sur mon vélo d’appartement, une randonnée en vélo Olivet-Toulon (840km) à raison de 120 km par jour, uniquement pour aller embrasser ma maman. Depuis je m’entretien, pour garder la forme, en circulant à vélo à Montreuil où je travaille, dans l’orléanais où j’habite, et 1 fois par semaine avec une bande d’amis en parcourant environ 60 km en Sologne, profitant de toutes les opportunités pour marcher notamment à Paris…
Prière Bouddhiste au monastère de Thiksé Ladakh
Revenons à notre voyage décrit dans ses grandes lignes au début de mon propos. Nous traversons l’Himalaya par avion venant de New Dehli, en Inde aux confins du Pakistan, de la Chine, accueilli par notre guide Rigzin à l’aéroport de Leh à 3500m. Impressionnant l’atterrissage, car les conditions météorologique obligent le pilote à tourner en boucle 45 minutes environ au dessus de l’Indus river et de la Stok Kangi Range. La vue de notre hublot est extraordinaire, nous sommes au dessus de glaciers, montagnes ; arrivé à Leh on voit des langues vertes de sols plantés dans un univers largement minéral. Notre guide nous emmène dans notre Lodge, Padma Guest-house. Traversée de la rue commerçante traditionnelle, montée rapide à travers la ville, et visite du monastère et du Palais de Leh fraichement réhabilités : version miniature du Potala de Lhasa.
Nous nous trouvons au Ladakh (qu’on appelle aussi « Little Tibet ») une région du Cachemire. Cette région particulièrement sèche, traversée par l’Indus, est cultivée aux endroits où les cours d’eau dévalent les pentes provenant des glaciers qui sont aménagés pour l’irrigation. Les villages des vallées voisines communiquent par des cols de 4000m jusqu’à 5600m d’altitude. Autant le Tibet (aujourd’hui d’administration Chinoise) est resté replié sur lui même, à l’inverse le Ladakh (d’administration indienne) de par sa situation géographique, carrefour de plusieurs cultures différentes, est ouvert, habité par un peuple joyeux.
C’est une région qui s’apparente au Tibet, bien que différente de par la présence de Ladakhis musulmans, de chrétiens, des soldats de l’armée indienne. Nombreux sont les monastères, les murs de pierre gravées, des chorten, des Stupas, des drapeaux à prières qui enveloppent les ponts et autres lieux, qui marquent la foi Bouddhiste à la tibétaine. Les chorten sont des tombes contenant les cendres d’un défunt, composées de 5 éléments superposés de la base vers le sommet qui constituent une progression du grossier vers le subtil, par analogie à la progression spirituelle qui conduit l’être ordinaire à l’état d’Eveillé (Bouddha). La base carrée représente la terre, la coupole arrondie l’eau, la flèche triangulaire le feu, l’ombrelle l’air, et le soleil, la lune l’éther le subtil…
Nous réservons un taxi pour partir tôt le matin du 15 juillet 2010 et participer à la prière dans le monastère de Thiksé.
Les monastères assurent la fonction religieuse, mais aussi d’éducation élémentaire, de dispensaire de soins médicaux …Nous pouvons voir les Lamas, mais aussi de jeunes novices à partir de 7 ou 8 ans évolués dans le monastère.
« Il ne tient qu’à nous d’aspirer à l’Eveil, à la connaissance, à l’amour, et à la compassion, plutôt qu’à l’égocentrisme, à la haine et à la confusion » nous explique le grand maître tibétain Dilgo Khyentsé Rinpoché. Pour le bouddhiste, toute existence quelle qu’elle soit, est extrêmement précieuse : chaque être vivant recèle le potentiel d’atteindre la perfection de l’Eveil, l’état de Bouddha au cours de sa vie actuelle ou de sa vie future. Bouddha n’a pas renoncé à ce qui est véritablement bon dans une vie humaine, qui le souhaiterait, mais à la souffrance. Après une longue démarche, de découverte, il enseigne les Quatre Nobles Vérités : la vérité de la souffrance, les causes de la souffrance, de la cessation de la souffrance, et de la voie qui mène à cette cessation…P68 Himalaya Bouddhiste de Matthieu Ricard.
Visiter les monastères ne laissent pas indifférent, tout comme visiter une église. Le respect du lieu, le recueillement s’impose. Les expressions artistiques peintures, draperies, tapis, sculptures, mobilier en bois peint … sont nombreuses, les couleurs sont vives notamment le rouge (perception), le jaune (forme), le vert (formations mentales), le blanc (sensation et conscience) ressortent souvent ; l’expression est naïve. On enlève systématiquement ses chaussures à l’entrée du lieu de culte. Un grand Bouddha domine, en face des sièges bas où s’installent les lamas pour leurs méditations, prières conduites par un supérieur. Il y a au moins une vingtaine de jeunes Lamas, toutes les générations sont représentées. Le début de la prière est marqué par l’appel de la terrasse du monastère avec les instruments traditionnels, Ils ont plusieurs instruments qu’ils utilisent ponctuant leur récit d’un son de cymbale ou clochette, ou trompette, moulin à prières. Les tonalités sont graves et la lumière diffuse, la vibration nous pénètre à travers « Om Mani Padme Hum » et autres Mantra. Les Lamas ont leurs livres de lecture de textes sacrés. Yves, Anne-Marie et moi sommes concentrés, transportés dans les hauteurs où la réflexion, la méditation la spiritualité nous pénètre nous envahie. On est bien, c’est le bonheur… on est en position assise, les jambes repliées en avant. A la fin de la prière, on profite de la vue extraordinaire sur la terrasse là où les Lamas ont fait un appel à la prière en soufflant dans leur long instrument courbé créant un son grave et générant une vibration intense. La vallée de l’Indus en contre bas est bordée par des montagnes enneigées de 6000 m et plus en fond d’horizon… On loue deux scooters pour visiter les monastères Stok et Stakna. Tous les monastères ont été récemment restaurés et mis en valeur (grâce aux soutiens de fondations occidentales) tant leur architecture dans ces paysages grandioses que la qualité des pièces et œuvres religieuses à l’intérieur de ces lieux de prière.
Je pourrai décrire notre trek de 6 jours de Lamayuru à Chiling au Zanskar, et notre journée inoubliable du 25 juillet 2010, jour de l’inauguration du plus grand Bouddha à Diskitt dans la Nubra vallée, les sources d’eau chaude, le monastère d’Ensa et Sumur… Notre retour à Delhi pour repartir en autocar à 700 km au nord vers l’Himalaya à Dharamsala siège du gouvernement Tibétain en exil et résidence du Dalaï Lama… et où se trouve d’importants monastères dont Karmapa, que de propos à relater …
Je vous invite à regarder les photos qui représentent Leh et ses environs, les différents monastères visités notamment Thiksé, Stok, Stakna, Rizong puis Lamayuru le départ de notre trek avec nos mulets, Chiling et la rivière Zanskar, la Nubra vallée el l’inauguration du Bouddha face au monastère de Diskitt, et enfin l’église de Saint John à Dharamsala, église gothique anglicane.
A été demandé au Dalaï Lama : Qu’est ce qui vous surprend le plus dans l’humanité ? , il a répondu : « Les hommes … Parce qu’ils perdent la santé pour accumuler de l’argent, ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé. Et à penser anxieusement au futur, ils oublient le présent, de telle sorte qu’ils finissent par ne vivre ni le présent ni le futur. Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir, et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu. »
L’essence du bouddhisme, c’est l’union de la sagesse et de la compassion. La sagesse permet de reconnaître notre nature profonde, et la compassion nous fait comprendre que le bonheur et la souffrance des autres comptent plus que les nôtres. Je vous recommande ce magnifique livre Himalaya Bouddhiste cité plus haut, agrémenté de magnifiques photos de Föllmi.
Mon projet me ramènera dans cette partie du monde, notamment au mont Kailash et à Bodhagaya, là où le XIV Dalaï Lama enseigna la compassion à des centaines de milliers de pèlerins dont des occidentaux. Il conclut chacune de ses formations par :
« Tant que durera l’espace,
Tant qu’il y aura des êtres,
Puissé-je moi aussi demeurer
Afin de soulager la souffrance du monde ? »
Nous sommes au cœur de notre problématique « les Montagnes Sacrées » où les monastères surplombant les vallées, environnés de hautes montagnes, produisent de fait l’élévation physique et spirituelle. Même si nous ne comprenons pas les prières, l’environnement de montagnes, l’altitude, l’atmosphère, les vibrations, impactent notre cerveau et notre cœur et provoquent des émotions fortes… D’autant que le bouddhiste tout en ne nous culpabilisant pas, nous invite à nous diriger dans les voies vertueuses et positives de la sagesse et de la compassion…